Coopération

La société civile : une pièce maîtresse pour lutter contre la corruption dans l'éducation

Quand l'éducation est libérée de la corruption et qu'une solide culture de transparence et de redevabilité prévaut, les portes s'ouvrent pour des millions d'enfants et de jeunes dans le monde entier. Ils peuvent exercer leur droit à une éducation de qualité. Pour aller plus vite, comment le secteur de l'éducation peut-il unir ses forces avec les organisations de la société civile ? Les bénéficiaires du projet Éducation à Voix Haute de Tanzanie, du Cambodge et du Zimbabwe l’expliquent.

Focus sur la Tanzanie

Roselyne Mariki, responsable nationale de So They Can en Tanzanie, a récemment terminé le programme de développement des capacités, organisé par l'IIPE-UNESCO en tant que Partenaire d'Apprentissage Mondial dans le cadre de l’initiative Éducation à Voix Haute (Education Out Loud, EOL) – le fonds du Partenariat mondial pour l'éducation (PME) dédié aux actions de plaidoyer et de redevabilité sociale.

Dans le cadre de ce programme, Mariki et près de 90 autres participants ont suivi un cours en ligne de quatre semaines sur les outils (enquêtes de suivi des dépenses publiques, codes de conduite, cartes d’évaluation citoyenne et pactes d'intégrité) que les acteurs de la société civile peuvent contribuer à mettre en œuvre pour améliorer la transparence et la redevabilité dans l'éducation.

« Cela a été pour moi une opportunité qui m'a ouvert les yeux. »
Roselyne Mariki, Directrice nationale, So They Can, Tanzanie

Mariki explique que la plupart des écoles publiques font face à de nombreux défis, tels que des infrastructures déficientes ou des ressources insuffisantes pour dispenser un enseignement de qualité. « Cependant, comme les communautés doivent contribuer aux financements des écoles primaires publiques, il est nécessaire de leur donner les moyens de comprendre l’utilité de leurs contributions à une éducation de qualité pour leurs enfants. Et comment elles peuvent s'assurer que les ressources destinées aux écoles sont effectivement utilisées pour celles-ci », explique-t-elle.

Les élèves de l'école primaire de Manyara, Tanzanie, ©So They Can

Armée de nouvelles compétences et connaissances, Mariki se dit désormais prête à agir. Premièrement, en partageant avec son équipe les leçons tirées du cours. Et deuxièmement, dans le cadre du renforcement des comités de gestion scolaire, en s’attaquant au manque d'appropriation des tableaux de bord des écoles afin de les rendre plus transparents et accessibles à tous, élèves, parents et membres de la communauté.

Avec les autres membres de son équipe bénéficiaires de l’initiative EOL, elle prévoit de travailler sur un projet axé sur les codes de conduite des enseignants dans l'enseignement supérieur, une idée qui a germé au cours de sa formation. Elle explique que certains enseignants abusent de leur position pour leur intérêt personnel, notamment en matière d’exploitation sexuelle, et que l’on ne sait pas clairement envers qui ces enseignants sont redevables.

« Il s'agit d'une question brulante qui doit être traitée », déclare Mariki. « Grâce à cette formation, nous avons l'occasion d'explorer cette question conjointement avec d'autres organisations, et de mettre en place un nouveau projet qui sera un point de départ pour la Tanzanie ».

Focus sur la Cambodge

Vera Ushurova est coordinatrice de projet pour l’ONG Education Partnership au Cambodge, une coalition d'environ 128 organisations qui militent pour une meilleure mise en œuvre des politiques.

Après avoir participé au programme de développement des capacités proposé par l'IIPE, comprenant le cours ainsi que deux webinaires sur les tableaux de bord des écoles et le gouvernement ouvert, elle travaille maintenant à combler le manque d’information entre les politiques au niveau de l’État et leur application dans les zones reculées.

« Il n'y a pas beaucoup de communication sur la mise en œuvre des politiques dans les zones reculées entre les parties prenantes au niveau provincial et national. En fin de compte, il y a trop peu de mécanismes de retour d'information », dit-elle.

Pour changer cela, elle souhaite recourir à des checklists concernant la mise en œuvre des politiques, une variante du plus classique tableau de bord des écoles, afin d'observer, de contrôler et de rendre compte de politiques et normes spécifiques. « C'est très utile et la société civile peut le faire de manière très efficace », déclare-t-elle.

En ce qui concerne le cours, elle a trouvé le module de formation « à son rythme » très pratique et agréable. Elle est convaincue que les autres bénéficiaires de la subvention d’EOL qui ont participé à ce cours en ont tiré des avantages significatifs et ont renforcé leurs capacités à lutter contre la corruption dans le secteur de l'éducation.

« Le cours nous a donné l'occasion de travailler à la fois individuellement et en équipe. Notre groupe était aussi incroyablement diverse. »
Vera Ushurova, coordinatrice de projet, ONG Education Partnership, Cambodge

Focus sur le Zimbabwe

Naison Bhunhu, Directeur de ZINECDA, a déclaré qu'il avait pu découvrir ce que faisaient d'autres acteurs de la société civile à travers le monde – du Ghana au Pakistan – grâce à ces forums interactifs. Il a également suivi le parcours de « Champion » et a participé aux webinaires sur les tableaux de bord des écoles et le gouvernement ouvert dans l'éducation.

Il déclare que, désormais, il sait mieux comment utiliser les différents outils à sa disposition, ce qui lui permet, à lui ainsi que ses collègues, de jouer le rôle de lanceur d’alerte dans le sous-secteur du développement de la petite enfance au Zimbabwe.

L'importance de la transparence et de la redevabilité apparaît particulièrement au moment de l’analyse des budgets. « Les questions d'inégalité sont particulièrement fortes, notamment en ce qui concerne l'allocation des ressources », explique-t-il. « Nous avons tendance à voir les enseignants les mieux formés êtres affectés en milieu urbain et moins dans les zones rurales, ce qui va à l’encontre du principe selon lequel aucun enfant ne doit être laissé de côté ».

« L'un des défis est que l'information n'est pas systématique dans l'espace public. Ou lorsqu'elle l'est, elle peut être obsolète et ne pas éclairer les processus de prise de décision. »
Naison Bhunhu, Directeur, ZINECDA, Zimbabwe

Bhunhu est décidé à contribuer à la création d'un environnement plus propice à la mise en œuvre de l'apprentissage préscolaire au Zimbabwe. Après avoir suivi le programme de développement des capacités, il a l'idée de s'appuyer sur les résultats des enquêtes annuelles de suivi des dépenses publiques (ESDP) et sur les tableaux de bord des écoles pour renforcer les activités de plaidoyer de son organisation au niveau national.

Nouvelle recherche sur la façon d’impliquer les organisations de la société civile dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques éducatives

Ce programme de développement des capacités alimente également une nouvelle recherche de l'IIPE sur la façon d'impliquer les organisations de la société civile dans la planification sectorielle et son application.

Pour atteindre les cibles de l'Objectif de développement durable n° 4 (ODD 4), la planification et la gestion de l'éducation doivent devenir plus inclusives et participatives. La planification de l'éducation doit également être capable de s'adapter, en tenant compte de l'évolution des besoins de la population, du marché du travail et des incertitudes croissantes dans le monde d'aujourd'hui.

L'engagement de la société civile est essentiel pour s'assurer que les voix des citoyens sont entendues et que l’on s’occupe des populations marginalisées de façon plus efficace. La société civile peut aussi agir comme lanceur d’alerte, en veillant à ce que les politiques éducatives reflètent les besoins réels, et que tous les problèmes identifiés soient rapidement traités et résolus.

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