Entretien

Entretien avec une chercheuse de l'IIPE : Muriel Poisson sur le gouvernement ouvert dans l'éducation

Open government in Indonesia

La collection de l’IIPE sur Éthique et corruption dans l’éducation s’enrichit d’un nouvel opus ! Cet ouvrage, préparé sous la direction de Muriel Poisson, spécialiste du programme à l’Institut, est le premier d’un nouveau projet de recherche sur le gouvernement ouvert dans l’éducation. À la fois théorique et pratique, il propose une analyse approfondie du concept accompagnée d’un examen de projets en cours dans le monde.

Nous avons demandé à Muriel de nous parler de ce domaine émergent et de nous dire en quoi son nouveau projet de recherche « Gouvernement ouvert dans l’éducation : retours d’expérience » ouvre de nouvelles perspectives particulièrement stimulantes pour la planification de l’éducation.

Qu’entend-on par « gouvernement ouvert », et quels effets ce concept peut-il avoir sur la vie des élèves et des autres acteurs du secteur de l’éducation ?

Le concept de gouvernement ouvert a ceci d’intéressant qu’il appelle à renouveler les interactions entre gouvernement et citoyens. Sa définition renvoie en général à trois grands principes : la transparence, l’engagement citoyen et la réactivité des pouvoirs publics. Dans le secteur de l’éducation, il couvre plus spécifiquement des domaines comme l'action publique ouverte, le budget ouvert, la commande publique ouverte ou encore les audits sociaux.

Pour répondre à votre deuxième question, nous sommes convaincus que les processus participatifs peuvent permettre d'améliorer profondément la pertinence des politiques et des réformes de l’éducation – et, par conséquent, leur mise en œuvre. De plus, et sous réserve que les conditions requises soient réunies, un gouvernement ouvert peut déboucher sur des résultats éducatifs plus équitables, parce que les communautés défavorisées auront été impliquées dans les décisions et les processus. Donner aux citoyens les moyens de s’exprimer peut rééquilibrer les rapports de force au sein du secteur éducatif.

Quels sont les principaux objectifs de ce nouveau projet de recherche ? Comment le gouvernement ouvert se rattache-t-il à vos travaux antérieurs concernant les données ouvertes sur les écoles ?

Ce nouveau projet de recherche vise à comprendre comment, dans notre monde actuel hautement technologique, nous pouvons inventer des stratégies de planification de l’éducation plus réactives, efficaces et innovantes en sollicitant la participation des citoyens. Nous souhaitons recenser les initiatives en cours et celles qui semblent prometteuses, recueillir les retours d’expérience, notamment auprès des acteurs de l’école (à savoir les chefs d’établissement, enseignants, parents, élèves et représentants des communautés) et tirer les leçons des expériences réussies. Notre ambition finale est de proposer une série de recommandations aux décideurs et planificateurs de l’éducation et de les aider à arbitrer en toute connaissance de cause sur la manière de concevoir et mettre en œuvre des politiques efficaces de gouvernement ouvert dans l’éducation.

Les données ouvertes sur les écoles font partie du gouvernement ouvert mais, en élargissant le champ de notre recherche, nous voulons aller plus loin. En plus de nous intéresser aux moyens d’informer les citoyens en matière d’éducation, nous souhaitons comprendre, de manière plus globale, comment consulter et impliquer les citoyens à différentes étapes du cycle de planification : conception de la politique éducative, mise en œuvre, évaluation, suivi, etc.

Pouvez-vous nous parler des études de cas que vous envisagez de mener ? Pensez-vous pouvoir observer un impact concret sur les niveaux de corruption ?

Nous avons lancé sept études de cas sur des initiatives de gouvernement ouvert qui nous paraissent intéressantes en Colombie, aux États-Unis, en Inde, à Madagascar, au Pérou, au Portugal et en Ukraine. Chacune illustre les différentes formes que peut prendre le gouvernement ouvert dans l’éducation. Dans les études aux États-Unis ou au Portugal, par exemple, nous nous intéresserons à l’introduction de processus budgétaires ouverts associant les parents et les élèves. Dans le cas de l’Inde, nous verrons comment les mécanismes d’audits sociaux ont été intégrés à part entière dans le domaine de l’éducation et avec quels résultats. Nous espérons pouvoir utiliser ces travaux pour comparer la situation en zones urbaines et en zones rurales et tirer les leçons de chaque expérience.

Nous sommes aussi convaincus que, si les conditions sont réunies, le budget ouvert, la commande publique ouverte et les audits sociaux peuvent limiter les risques de corruption et de détournement de fonds. La participation des citoyens au cycle budgétaire de l’éducation permet par exemple de réduire les risques de corruption en éliminant l’asymétrie d’informations entre les pouvoirs publics et les citoyens. Et le fait de leur donner voix au chapitre peut aussi conduire à des décisions moins discrétionnaires et prévenir les pratiques corrompues.

Donc le gouvernement ouvert est promis à un bel avenir… Quelle sera la situation dans le monde dans dix ans ?

Actuellement, la situation varie profondément d’un pays à l’autre, ce décalage étant souvent lié au niveau de corruption. C’est d’ailleurs l’un des enseignements clés de la nouvelle étude que nous venons de publier.

Certes, ces différences n’auront pas toutes disparu dans dix ans, mais nous pensons que l’essor du gouvernement ouvert permettra d’ancrer davantage la culture du dialogue dans les systèmes d’éducation. Ce sera une question clé pour les planificateurs, car la mise en place de structures de gouvernance plus démocratiques permettra de mieux aligner l’offre sur les attentes des citoyens. Nous sommes convaincus que les recommandations de l’IIPE renforceront la confiance entre parties prenantes de l’éducation, avec des bénéfices pour l’ensemble du secteur – à commencer par celles et ceux qui sont au cœur du système : les élèves.

Pour consulter et télécharger gratuitement la nouvelle étude de l'IIPE sur le gouvernement ouvert dans l'éducation (en anglais), cliquer ici