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De la conception à l'innovation : deux décennies de lutte contre la corruption dans l'éducation

Ⓒ Subhartha Sarkar/Shutterstock.com

Cet article a été initialement publié sur le site de l'IIPE-UNESCO.

En octobre 2003, la Convention des Nations Unies contre la corruption est entrée en vigueur, marquant un tournant dans la lutte mondiale contre la corruption. Deux ans plus tôt, l'IIPE-UNESCO avait déjà commencé à étudier comment la corruption peut mettre en péril l'objectif d’assurer une éducation pour tous.

« Lorsque nous avons commencé, personne ne pensait que le simple fait d’aborder le sujet de la corruption serait possible » déclare Jacques Hallak, ancien Directeur de l'IIPE, revenant sur les 60 années d’existence de l'IIPE. 

Le sujet était encore peu traité, mais avec une prise de conscience grandissante du fait que la corruption nuit à la qualité de l'éducation, qu'elle augmente les coûts et réduit son efficacité. 

La corruption dans l'éducation est un sujet sensible et les statistiques nationales sont rares. La plateforme ETICO de l'IIPE présente des données comparatives sur cette question. 

Ethique et la corruption dans l'éducation : rôle pionnier de l’IIPE

Pour faire face à la menace répandue de la corruption, l'IIPE a organisé un atelier historique en novembre 2001, réunissant des représentants d'organisations telles que l'OCDE, la Banque mondiale et Transparency International, afin de lancer son premier programme de recherche sur l'éthique et la corruption dans l'éducation. 

Dès le départ, l'IIPE a insisté sur le fait qu’une éducation de qualité passe par l’éradication de la corruption, en préconisant que la redevabilité, la gouvernance et la transparence soit intégrées à la planification et la gestion. Aujourd’hui, cette conviction reste fondamentale dans l’appui que l’IIPE apporte aux systèmes éducatifs du monde entier.

Au fil des ans, l’IIPE a produit des publications majeures, a organisé des forums politiques de haut niveau, et a formé plus de 3 000 personnes dans le monde pour la mise en œuvre de mesures de lutte contre la corruption dans l’éducation.

En 2003, l’IIPE a lancé un programme de renforcement des capacités en partenariat avec l’Open Society Foundations visant à donner les moyens à des pays situés dans les Balkans, en Europe centrale et de l’Est, ainsi qu’en Asie centrale de prendre des mesures rigoureuses contre la corruption. La même année, un séminaire international organisé à Guanajuato, au Mexique, a réunit des universitaires de haut niveau et des ministres de l'Éducation pour échanger sur les stratégies visant à renforcer la transparence et la redevabilité dans l'éducation.

Développer la recherche, partager le savoir

En 2007, l'IIPE a publié Écoles corrompues, universités cor rompues : que faire ?, plaidant en faveur de réglementations claires, de procédures transparentes, d'un accès public à l'information et d'un leadership fort pour combattre la corruption dans les établissements scolaires. Ce livre rédigé par Jacques Hallak et Muriel Poisson a été publié en six langues. 

Deux ans plus tard, l'IIPE a publié des Lignes directrices sur l’élaboration et l'utilisation efficace des codes de conduite des enseignants expliquant de façon détaillée comment les élaborer, les appliquer et assurer leur suivi ; ces Lignes directrices seront utilisées par la suite dans des activités d’assistance technique au Laos par exemple. Aujourd’hui on peut retrouver ces codes de conduite sur une carte mondiale accessible sur la plateforme de ressources en ligne ETICO de l'IIPE, qui propose des ressources, des outils et des blogs consacrés à l'éthique et à la corruption.

Un an avant l’adoption des Objectifs de développement durable, l'IIPE a mené une étude comparative sur les mesures incitatives favorables aux populations pauvres, telles que les subventions scolaires ou les bourses d'études, pour déterminer lesquelles sont les plus (et les moins) à même d’atteindre les groupes ciblés. 

En 2015, l'IIPE a organisé un forum politique sur l'intégrité dans l'enseignement supérieur mettant en lumière des approches innovantes pour améliorer l'éthique et réduire les possibilités de fraude, menant à un appel en faveur d’une coalition mondiale pour l'intégrité de l'enseignement supérieur

Un appui sur mesure aux pays pour éradiquer la corruption 

Au fil des ans, l'IIPE a apporté un appui technique direct à des pays comme la Serbie, le Kosovo*, l'Ukraine, la Géorgie et la Guinée à leur demande, pour diagnostiquer les risques de corruption de manière systématique et exhaustive, et leur fournir les recommandations politiques les mieux adaptées sur cette base.

Selon les contextes, ces diagnostics ont porté sur l’ensemble du secteur éducatif, or plus spécifiquement sur un sous-secteur tel que l'éducation préscolaire, l'enseignement supérieur ou la formation technique et professionnel (EFTP). L'IIPE a renforcé également la capacité d’équipes nationales à élaborer et à mettre en œuvre des enquêtes de suivi des dépenses publiques pour tracer les flux de financement et réduire les déperditions. Des pays comme l'Afrique du Sud, le Burkina Faso, le Cambodge, le Ghana ont encore l'Ouganda ont bénéficié de ce travail. 

Opportunités pour les citoyens et la société civile 

Plus récemment, les efforts de l'IIPE ont porté sur le rôle des citoyens pour rendre les autorités publiques redevables. En 2018, l'IIPE a lancé une étude sur le pouvoir des données ouvertes sur les écoles pour favoriser un contrôle des ressources par les citoyens, comprenant sept étapes pour concevoir et mettre en œuvre un tel programme. 

Cette étude a posé les bases d’une exploration mondiale des innovations menées en matière de gouvernement ouvert et a contribué à établir le programme de renforcement des capacités mené en 2023 par l'IIPE avec Éducation à Voix Haute (une initiative du Partenariat mondial pour l'éducation) pour soutenir les acteurs de société civile dans la mise en œuvre d'outils visant à enrayer la corruption. 

Aujourd'hui, l'IIPE reste engagé dans l'éradication de la corruption dans l'éducation. A l’avenir, cela inclura une enquête globale sur la manière d’exploiter les nouvelles technologies numériques, telles que le blockchain, l'intelligence artificielle et le big data, pour renforcer la transparence et la redevabilité dans la planification et la gestion de l'éducation.

* Toutes les références au Kosovo sont faites dans le contexte de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies (1999).