Nouvelle publication

Le gouvernement ouvert donne du pouvoir aux élèves, du Portugal au Pérou

De nouveaux ordinateurs, des équipements de loisirs, un jardin scolaire ou du matériel de recyclage ? Au Portugal, les élèves ont leur mot à dire. Depuis six ans, le ministère de l'Education a mis en place une initiative de budgétisation ouverte – Orçamento Participativo das Escolas, ou OPEscolas – qui touche quelque 200 000 jeunes dans 90 % des écoles publiques du pays.

Aujourd'hui, en cette Journée mondiale de la lutte contre la corruption 2022, une nouvelle étude de cas se penche sur sa conception, son impact et son avenir dans le cadre du projet international de recherche de l'IIPE consacré au Gouvernement ouvert dans l'éducation : retours d’expérience, menée en collaboration avec le Centre d'études sociales de l'Université de Coimbra (Centro de Estudos Sociais da Universidade de Coimbra).

La budgétisation ouverte est en adéquation avec les principes de base du gouvernement ouvert – transparence, redevabilité et engagement des citoyens – qui sont essentiels pour atteindre le quatrième objectif de développement durable, à savoir une éducation de qualité, équitable et inclusive et un apprentissage tout au long de la vie pour tous. 

Grâce à plusieurs centaines d'entretiens réalisés auprès des acteurs scolaires – y compris des directeurs, des parents et des élèves – les chercheurs ont constaté que cette politique de vote des élèves sur les propositions budgétaires a renforcé le sentiment général d'appartenance et de redevabilité envers la communauté scolaire.

Les personnes interrogées ont fait état de leur plus grande confiance dans une bonne utilisation des ressources scolaires répondant aux besoins réels d'éducation et d'apprentissage, ainsi que dans leur propre capacité à apporter des améliorations au système éducatif. En ce sens, les élèves ont pu faire l’apprentissage de la citoyenneté et de la démocratie, et expérimenter de façon directe les mérites de la participation. 

« Les budgets participatifs permettent aux élèves de s'impliquer dans la réalité de leur école », a déclaré un directeur d'un regroupement d'écoles de centre-ville, ajoutant que cela permet de « promouvoir l'esprit d'initiative, de prise de décision et de travail en équipe, et d'améliorer la situation de l'école sur la base des propositions formulées par les élèves. »

Les budgets ouverts dans les écoles sont l'exemple le plus important et le plus emblématique des initiatives de gouvernement ouvert dans le domaine de l'éducation au Portugal. L'étude de cas a également révélé que les niveaux de participation diffèrent à travers le pays, avec des niveaux plus faibles dans la région métropolitaine de Lisbonne, et des niveaux plus élevés dans le nord et le centre du pays. Parfois certaines propositions qui avaient remporté les suffrages n’ont pas été concrétisées, ce qui tend à réduire la portée d'une telle initiative. 

Si l'étude de cas met en lumière ses principaux succès et mérites, elle propose également des recommandations pour orienter son développement à l’avenir.    

6 recommandations pour l'avenir de la budgétisation ouverte 

  1. La compréhension du niveau de participation devrait concerner l'implication des élèves plutôt que le nombre d'écoles rejoignant l'initiative de budgétisation ouverte. 
  2. Cette initiative devrait continuer à cibler la tranche des 12-17 ans comme public principal.
  3. Les élèves devraient être autonomes dans la manière dont ils organisent les débats, et les écoles devraient réserver des plages horaires favorables pour permettre des larges débats.
  4. Les propositions budgétaires devraient être formulées dans le cadre des apprentissages et de l'enseignement, afin d'encourager des taux plus élevés de participation lors des débats et des votes. 
  5. Les autorités municipales et les écoles devraient renforcer leurs partenariats afin d'augmenter les allocations budgétaires et soutenir la réalisation des projets gagnants.
  6. Un système de suivi bien structuré au niveau national est nécessaire pour mieux comprendre comment l'initiative a évolué au cours des six dernières années, et apporter de futures améliorations. 

Jeunes auditeurs au Pérou 

Une deuxième étude de cas nous conduit au Pérou pour découvrir le Programme des jeunes auditeurs dans le cadre duquel des élèves d’écoles publiques surveillent les services éducatifs afin d'encourager la participation et prévenir la corruption. Menée par le Bureau du contrôleur général de la République, cette initiative est un autre exemple fort d'une initiative de gouvernement ouvert dans le secteur de l'éducation. 
Lancée pour la première fois en 2010, plus de 960 000 élèves de tout le pays y ont participé depuis, ce qui a donné lieu à plus de 559 000 rapports d’audits des écoles. Les participants sont généralement des élèves de l'enseignement secondaire, âgés de 14 à 16 ans. Suite au début de l’épidémie de COVID-19, les audits se sont multipliés à travers le territoire, grâce au recours au virtuel.

Dans le cadre de cette nouvelle étude qui se concentre sur Lima et Ica, un élève a déclaré : « Je pense que ce programme est bon parce qu'il permet aux jeunes de participer en tant que citoyens et de donner leur opinion et leur point de vue, et également de contrôler et d’être vigilant sur les problèmes qui se posent à notre société. »

En fait, il s'agit de l'un des principaux objectifs du programme des jeunes auditeurs – renforcer le rôle des futurs citoyens au sein de leur communauté, en inculquant des valeurs éthiques et civiques aux élèves en leur permettant d’auditer le fonctionnement du service éducatif.  

Depuis 2020, avec le passage aux audits virtuels, parents et enseignants ont pu s’impliquer davantage. Ainsi selon un enseignant de Lima, « tous les enseignants de la région ont pris part au travail sur les audits virtuels. Notre travail était plus systématique, et les élèves étaient plus impliqués et conscients de leur rôle de citoyens vigilants vis-à-vis du secteur de l'éducation. »

Ce programme comporte généralement six étapes, depuis la sensibilisation, la planification, l'exécution, jusqu'à la communication et le suivi des résultats. En ce qui concerne l'avenir du programme, les chercheurs ont formulé six recommandations dont le développement d’une approche hybride et la possibilité de transformer cette initiative en politique officielle de gouvernement ouvert. 

6 recommandations pour l'avenir du Programme des jeunes auditeurs 

  1. Organiser des ateliers virtuels pour en savoir plus sur les impressions des élèves sur les audits réalisés. 
  2. Combiner un contrôle en présentiel et en virtuel des services éducatifs. 
  3. Faire en sorte qu’enseignants, élèves et parents connaissent mieux les rôles et responsabilités des différents acteurs impliqués dans le Programme.
  4. Faciliter une plus grande diffusion et accessibilité des conclusions et résultats des audits auprès des élèves et de leurs parents.
  5. Vérifier que le Bureau du Contrôleur assure un suivi des écoles qui ont fait l’objet dans les rapports d’audits de recommandations à mettre en œuvre.
  6. Encourager la participation de la société civile et des parents, et renforcer le programme en tant que politique de gouvernement ouvert en matière d'éducation.