Cours particuliers et soutien scolaire : des partenaires pour le système éducatif ou source d’injustices sociales?
La France, les pays d’Afrique, la Corée du Sud, autant de pays champions des petits cours après l’école. Pourquoi ces pratiques, alors qu’elles sont inexistantes dans bon nombre de pays ? Au Bénin par exemple, le gouvernement veut supprimer le soutien scolaire payant dans les lycées, mais comment rassurer les parents qui doutent de la qualité de l’enseignement ? Le soutien scolaire et ses pratiques commerciales se nourrit-il d’un affaiblissement des systèmes éducatifs, ou est-il un gage d’une meilleure attention à l’enfant ? 7 Milliards de voisins a consacré son émission du 20 octobre 2017 à ces questions.
Muriel Poisson, spécialiste de programme à l’IIPE, Philippe Coleon, directeur général et co-fondateur d’Acadomia, et François Robert, expert et consultant en éducation, ont échangé sur le sujet et réagi aux témoignages des auditeurs tout au long de l’émission.
Les discussions ont permis de mettre en évidence la diversité de l’offre en matière de cours de soutien scolaire, qui vont des cours particuliers proposés par les enseignants à leurs propres élèves aux cours dispensés par des institutions privées comme Acadomia qui a touché 100 000 élèves en 2016 et affiche un chiffre d’affaire d’un montant de 150 millions. Muriel Poisson a rappelé que ce phénomène est ancien en Asie de l’est où il s’est développé dès les années 1960, notamment au Japon et en République Corée. Il a pris son essor à la fin des années 1990 dans les pays d’Europe de l’est et centrale. Et selon les dernières estimations du SACMEQ, il atteint aujourd’hui des niveaux record en Afrique : 87 % des élèves de sixième année seraient concernés au Kenya et à l’Ile Maurice, et 80% dans le cas du Malawi.
Un auditeur du Bénin témoigne : « les dérives que l’on observe chez certains enseignants c’est qu’ils font exprès de ne pas aborder dans le détail certains contenus pendant leurs cours pour inciter les élèves à suivre leurs travaux dirigés (TD) payants. A la veille des évaluations des devoirs surveillés, ils font passer une partie de la composition pendant leurs TD. Les élèves qui n’ont pas les moyens financiers pour participer à ces séances d’entrainement sont laissés pour compte. La classe devient une classe à deux vitesses ». Il conclut : « Il ne faut pas utiliser les moyens de l’état pour faire de la discrimination vis-à-vis certains de nos enfants ». De tels cas ne sont pas isolés, comme en Côte d’Ivoire où des leçons payantes sont également proposés par les enseignants au sein des établissements secondaires l’après-midi. De tels phénomènes sont symptomatique de la faillite de l’école : programmes surchargés, effectifs pléthoriques, nombre d’heures incomplètes proposées par le système et faibles salaires des enseignants.
Même si certains pays comme le Bénin s’oriente aujourd’hui vers l’interdiction du soutien scolaire payant dans les lycées, cela ne règle pas la question des cours proposés par des institutions privées, souvent de médiocre qualité, et au-delà de la réussite de tous les élèves. Plusieurs pistes d’amélioration de la situation ont été évoquées dans ce cadre à la fin de l’émission, comme :
- Mieux encadrer les cours de soutien proposés par les établissements privés, en s’intéressant notamment aux critères qu’ils utilisent pour recruter leurs formateurs ;
- Revoir l’organisation du système scolaire pour permettre d’offrir gratuitement des cours d’aide aux devoirs aux élèves dans les écoles ;
- Améliorer la qualité des enseignements proposés, ainsi que l’attention aux enfants les plus en difficulté ; et
- S’attacher à réduire « l’obsession de la note », en interrogeant sur les méthodes d’évaluation et de sélection des élèves mobilisées.
L’émission est disponible en ligne
Réécouter l’émission en podcast (en français uniquement).
Pour en savoir plus sur le sujet
Bray, Mark. 2009. Confronting the shadow education system: what government policies for what private tutoring? Paris: IIEP-UNESCO
Bray, Mark. 2007. The Shadow education system: private tutoring and its implications for planners. Paris: IIEP-UNESCO