Evènement

Corruption et éducation : la dimension de genre

La Conférence régionale de lancement pour l'Alliance régionale des femmes leaders pour la lutte contre la corruption et l'intégrité dans les pays arabes à Amman, en Jordanie, du 19 au 20 mars 2023 | Ⓒ UNDP-ACIAC

Les populations marginalisées sont les premières victimes de la corruption. Dans le secteur de l'éducation, cela signifie qu'il y a souvent une composante de genre lorsqu'il s'agit de comprendre et de lutter contre l’impact de la corruption.

Lors du lancement de l'Alliance régionale des femmes leaders pour la lutte contre la corruption et l'intégrité dans les pays arabes à Amman, en Jordanie (19-20 mars), Muriel Poisson, experte de l’IIPE en éthique et transparence, s’est penchée sur cette question pour le secteur de l'éducation.

Les risques de corruption au prisme du genre

À un niveau systémique, les risques de corruption liés au genre peuvent se manifester de multiples manières. Par exemple, Mme Poisson a expliqué qu’il y a des déperditions des fonds alloués au système éducatif, les femmes et les filles sont davantage susceptibles d’être impactées dans la mesure où elles sont confrontées à des taux de pauvreté plus élevés.

À l’échelle mondiale, on estime que 383 millions de femmes et de filles vivent dans l'extrême pauvreté, avec moins de 1,90 dollar par jour, contre 368 millions d'hommes et de garçons.

Lorsqu’il y a de la corruption dans les marchés publics, cela peut avoir des conséquences négatives sur les installations scolaires – telles que les toilettes – affecte tout particulièrement la vie scolaire des filles. Cela peut avoir également des conséquences sur l'accès aux manuels, aux repas, ou aux autres fournitures scolaires, ce qui est particulièrement préjudiciable pour les élèves disposant de peu de ressources, a déclaré Mme Poisson.

Les risques de corruption liés au genre sont également visibles dans les cas d'abus d'autorité, qu’il s’agisse de sextorsion ou de harcèlement sexuel, limitant ainsi l'accès des filles à une éducation dans un environnement sûr.

La discrimination qui empêche la nomination et la promotion de femmes à des postes de direction laisse perdurer les structures éducatives patriarcales. Au niveau de l'école ou de l'université, la discrimination ou les chasses gardées peuvent réduire l'accès des filles à l'école ainsi que leur progression.

En ce qui concerne les paiements informels pour la scolarité, Mme Poisson a noté que des recherches récentes ont mis en évidence l’importance du genre dans les dépenses des ménages pour l'éducation, celles consacrées aux garçons étant généralement plus élevées.

Quand la ligne est franchie

La corruption dans l'éducation est diverse et peut toucher tous les niveaux du système et de l'administration. Elle finit par saper les fondements d'une éducation de qualité pour tous.

Pour mieux comprendre ces enjeux, l'IIPE a dressé une typologie de tous les domaines du secteur de l’éducation qui peuvent être affectés par la corruption – et dans lesquels ceux qui souffrent le plus sont les plus vulnérables, les plus pauvres et les plus marginalisés.

Comprendre et s’attaquer au lien entre genre et corruption dans l'éducation est essentiel pour réduire les risques et protéger les apprenants les plus vulnérables. Muriel Poisson, responsable p.i. de l’équipe Gestion et mobilisation des connaissances, IIPE-UNESCO

Comment s'attaquer à la corruption et minimiser son impact sur les femmes

Tout d'abord, il est primordial de reconnaitre le rôle déterminant des femmes comme dans la lutte contre la corruption, non seulement parce qu'elles représentent une part importante du personnel éducatif, mais aussi parce que cela peut contribuer à promouvoir l'égalité des sexes dans et par l'éducation.

Les femmes représentent...

  • 87 % du personnel enseignant qualifié dans le primaire
  • 86 % du personnel enseignant qualifié dans le secondaire
  • 44 % du personnel académique dans le supérieur

Dans le cadre de sa recherche consacrée au pouvoir de l'information dans la lutte contre la corruption, l'IIPE a documenté des initiatives où des femmes se trouvent en première ligne. Par exemple, les "réunions de mères" au Bangladesh ont constitué un vecteur essentiel pour discuter des données et informations sur l'école. En Ukraine, des femmes ont contribué à des plateformes en ligne consacrées aux paiements informels versés par les parents dans le cadre d'une initiative de gouvernement ouvert, et en France, des femmes interviennent en tant que référentes d'intégrité scientifique dans des institutions de recherche majeures.

Deuxièmement, il convient de plaider davantage en faveur de données désagrégées afin de s'assurer que tout le monde compte, et que les politiques répondent aux besoins et aux défis spécifiques liés à la dimension de genre. À cet égard, Mme Poisson a expliqué qu'à ce jour, la plupart des outils, stratégies ou plans de lutte contre la corruption ne prennent pas en compte cette dimension – à l'exception de quelques études sur l'absentéisme des enseignants ou d'enquêtes de perception sur la fraude académique.

Troisièmement, les valeurs éthiques et les normes professionnelles – qui sont indispensables pour prévenir la corruption – peuvent être transmises via des codes de conduite auxquels tous les membres de la profession enseignante doivent adhérer. Certaines valeurs et normes liées à la non-discrimination, à l'interdiction de la violence verbale et physique (y compris le harcèlement sexuel) font directement référence aux questions de genre, et les systèmes éducatifs peuvent s'inspirer d’expériences menées dans le monde entier à ce sujet.

Enfin, il est important de promouvoir des dispositifs de signalement et de protection des lanceurs d’alertes qui intègrent le facteur genre, ainsi qu'une approche centrée sur les victimes afin de les encourager à se manifester.

Une planification de l'éducation qui donne à la dimension de genre une place centrale peut aider à favoriser une culture de l'éthique, de la transparence et de la redevabilité.

En savoir plus sur la plateforme dédiée ETICO de l'IIPE.